Wolverines!
La récente et tragique disparition de Patrick Swayze m'a fait constater une triste réalité de ma vie : je n'ai vu, jusqu'à présent, qu'un seul de ses films; le très patriotique "Red Dawn".
Dans ce film de propagande pro-reaganien de 1984, une poignée d'étudiants d'un high school du Mid-West mettent en échec, à eux seuls, une tentative d'invasion militaire à grande échelle des États-Unis par l'armée rouge soviétique et leurs alliés marxistes d'Amérique centrale. Disons-le franchement : bien que le concept de suspension consentie de l'incrédulité fut poussé à son paroxysme par Ed Wood dans les années cinquante, force est d'admettre que la prémisse de base de ce film repousse celle-ci dans ses derniers retranchements.
(A bien y penser, si Jack Bauer -- un autre héros de la droite américaine -- est capable d'investir sans l'aide de personne un bunker remplis de méchants arabes pour secourir in-extremis le Secrétaire à la Défense et sa fille avant même la fin du générique d'ouverture, on se dit plutôt : "Pourquoi pas ?")
Écrit et réalisé par John "gros cigare" Milius, également auteur du confus mais autrement plus inspiré scénario d'"Apocalypse Now", ce film nous offre, à travers un casting de rêve, une véritable constellation de jeunes stars hollywoodiennes montantes et futurs hazbines prématurés tel que C. Thomas Howell , Lea Thompson, Charlie Sheen, Jennifer Grey et, bien sûr, Patrick Swayze.
1984, donc. L'U.R.S.S est l'"Empire du Mal". Bruce Springsteen cartonne avec son tube "Born in the USA". La popularité de Ronald Reagan est à son apogée. En novembre, il est réélu triomphalement président des États-Unis. Après une décennie de morosité, l'hégémonie économique, militaire et culturelle américaine semble à nouveau invulnérable.
Indeed, the pride was back.
***
En fait, pas tout à fait...
Puisque dans l'univers alternatif imaginé par Milius et son co-scénariste Kevin Reynolds, les choses sont loin d'être aussi rose :
- Récoltes de blé au plus bas depuis 55 ans en U.R.S.S.
- Émeutes en Pologne.
- Invasion des troupes soviétiques.
- Effectif des troupes cubaines et nicaraguayennes : 500 000 hommes.
- Le Salvador et le Honduras tombent.
- Les verts prennent le contrôle du parlement en Allemagne de l'Ouest et demandent le retrait des armes nucléaires en Europe.
- Le Mexique sombre dans la révolution.
- Dissolution de l'Otan.
- Les États-Unis restent isolés.
Voilà sans doute ce qui serait arrivé si Jimmy Carter avait été réélu en 1980.
***
C'est dans ce monde de cauchemar appréhendé que Milius plante son décor : la ville de Calumet, au Colorado.
Comme David Lynch le fera 2 ans plus tard dans "Blue Velvet", les premières images du films nous font découvrir, sous un jour idyllique, la parfaite petite ville américaine type. Mais alors que Lynch, avec toute la maestria dont il est capable, cherche à nous faire entrevoir l'hypocrisie latente de la société américaine, les intentions de Milius sont toutes autres; car pour lui, pas de doute, cette Amérique existe bel et bien. Cette sincérité, presque touchante, est la grande qualité rédemptrice de "Red Dawn". Car au delà des invraisemblances du récit, du mauvais jeu des jeunes acteurs, de l'ineptie des dialogues et de celle des soldats communistes -- incapables de mettre hors d'état de nuire une bandes d'ados sans entrainement militaire --, une vérité s'impose : le film est (par moment) plutôt captivant.
En effet, dès que l'intrigue semble vouloir sombrer vers un abime sans fond de médiocrité, un petit miracle surgit. Un rituel de chasse d'une troublante authenticité. Une performance d'acteur sentie : Harry Dean Stanton -- l'inoubliable Travis de "Paris Texas" -- criant à ses fils "AVENGE ME! AAAAVEEENNNGE MEEEE!!!". L'arrivée impromptue d'un vieux guerrier qui en a vu d'autres : le toujours solide Power Booth. Ou encore, la douce mélancolie d'une lettre d'amour d'un héros de la Révolution désabusé. À l'arrivée, tous ces détails font éviter au film le naufrage complet qu'il aurait pu être et lui permettent d'obtenir fièrement la cote la plus moyenne dans le TV Hebdo : un "5".
Ou était-ce un "4" ?
Quoi qu'il en soit, "Red Dawn", témoin d'une époque de paranoïa révolue, aura toujours une place de choix dans la petite histoire du cinéma de propagande anti-communiste.
Et que Dieu bless l'Amérique.
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