Oh Lover Boy






On ne le dira jamais assez souvent : dans la tête d'un petit garçon de 8 ans en 1977, Irwin Allen était un véritable génie. "Voyage aux fond des mers", "Perdu dans l'espace" et "Au cœur du temps" délimitaient alors les limites d'un univers fantastique ou tout était possible. Qu'importe les scénario puérils et répétitifs, les dialogues affligeants de pauvreté et les décors en carton-pâte. Qu'importe aussi que les mêmes monstres en rubber et autres extra-terrestres à la peau argenté soient réutilisés jusqu'à plus soif dans les différentes séries du célèbre producteur. Pour paraphraser l'agent Mulder dans sa version française : "La vérité était ailleurs". Rêver, s'évader d'un quotidien par trop ordinaire, vivre par procuration des aventures extraordinaires; voilà où était l'essentiel. Analyser l'œuvre d'Irwin Allen sans reconnaitre et assimiler cette réalité fondamentale serait farouchement absurde.

Mais puisque nous n'en sommes pas à une absurdité près, c'est en faisant gracieusement abstraction de cet élément d'irrationalité affective que je vais maintenant tenter de vous entretenir de ce film-fantasme par excellence qu'est "Dirty Dancing".

Nous sommes en 1963, quelques mois avant l'assassinat de JFK. Baby, 17 ans, accompagne sa famille dans un camp de vacances pour gens huppés dans les montagnes Catskill. Bonne fille à papa, elle participe docilement aux inoffensives activités offertes par le camp même si l'atmosphère feutrée et le charme suranné de celui-ci semble quelque peu l'ennuyer. Un jour, son attention est attiré par le séduisant instructeur de danse Johnny Castle dont elle tombe secrètement amoureuse. Grâce à un improbable MacGuffin, Baby deviendra éventuellement la partenaire de danse de Johnny; découvrant, chemin faisant, un monde remplis de sueurs, de passions et de Levis 501 taille haute circa 1986.

À la suite du visionnement de "Dirty Dancing", un cinéphile normalement constitué ne peut que s'interroger sérieusement sur les raisons du succès aussi monstrueux qu'inattendu que ce film a obtenu -- et continue toujours d'obtenir -- auprès d'une certaine clientèle-cible. Anachronismes multiples, scénario controuvé cousu de fil blanc, réalisation terne digne d'un téléfilm et personnages stéréotypés à la psychologie dissonante; rien, dans le cœur de ses admiratrices, ne semble vouloir arrêter ce prodigieux "train qui file dans la nuit".

Pourquoi ? La raison est simple et ne porte qu'un nom : Patrick Swayze. L'air rebelle et le muscle saillant, Swayze tient carrément le film à bout de bras. Sans lui tout s'effondrerait comme un misérable château de cartes et les dévédés de "Dirty Dancing" se retrouverait aujourd'hui dans les bacs à 99 ¢ chez votre détaillant à grande surface favori. Quant à Jennifer Grey, beaucoup trop vieille pour son rôle de jeune midinette *, elle fait de son mieux; quoique parfois, le mieux est l'ennemi du bien.

(* Oui je sais, "jeune midinette" est un pléonasme vicieux mais nous n'en sommes pas à un pléonasme vicieux près non plus. Notons par ailleurs que Swayze, à la lecture du scénario, n'était guère enthousiaste pour ce projet, n'y voyant qu'une histoire plutôt proprette et sans grand intérêt. Nous désirons prendre l'espace qui nous est allouée entre ces deux parenthèses pour y souligner la grande acuité intellectuelle de Swayze.)

Soyons bon prince et soulignons toutefois l'irrésistible scène entre Baby et Johnny au son de "Lover Boy". Un vrai moment de cinéma. Regrettons toutefois que ce moment ne dure qu'une minute dix secondes. Eussions-nous eu droit à davantage de séquences semblables que la qualité du film en eu été profondément rehaussé. Mais à quoi bon se formaliser de considérations aussi futiles puisque ce film, en définitive, défie toute critique.

Authentique bleuette sans conséquence, sinon que de favoriser les ventes de sa trame musicale au détriment de la cohérence historique du récit, "Dirty Dancing" défie aussi toute logique; et, à l'image de son héroïne, il est de cette race de film qu'on ne peut pas mettre dans un coin.

Peut-importe ce que cela veut dire.





Ce clip est dédié à ma petite sœur qui habite, loin, loin de moi.



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