Comme une fraîche odeur de sentent bon film
Dans la vie d'un gars qui écrit sur le cinéma pour pas d'argent, il arrive parfois qu'un film sorti de nulle part le terrasse d'une gauche fulgurante l'expédiant illico au tapis pour le fatidique compte de 10. Mais pas souvent. Bien sûr, cette métaphore toute sportive s'est déjà concrétisée ce soir mythique où mon père a ramené à la maison une fabuleuse invention nouveau genre et que j'ai eu la chance de visionner Rocky II en format "modifié pour remplir votre écran de télévision", mais, en rétrospective, il se peut que mes 11 ans et demi en particulier et mon manque de culture générale en général, aient quelque peu faussé la valeur de mon jugement concernant l'œuvre de Sylvester Stallone; et puis, à vrai dire, je n'avais même pas encore vu, à l'époque, l'infiniment supérieur Rocky I, cet évènement ne devant survenir qu'une année plus tard, soit en 1981.
Né d'un père italien et d'une mère québécoise, Ricardo Trogi, 11 ans, voit sa vie quelque peu chamboulée en 1981: nouvelle maison, nouvelle école, nouveaux élèves mais surtout découverte de nouveaux sentiments jusque-là inconnus et désormais incarnés par la belle Anne Tremblay qui vient tout juste de lui apprendre à écrire en lettres attachées et dont le bras a frôlé le sien. Rapidement, le jeune Ricardo ne voit qu'une seule arme pour se faire accepter par cet environnement étranger : le mensonge. Ayant promis à quelques camarades de classe des revues de filles tout nu qu'il ne possède pas, le stratagème semble fonctionner pour un temps. Mais cela sera-t-il suffisant pour conquérir le cœur de cette Anne Tremblay à la fois si près mais si inaccessible ?
Ah... !, mille neuf cent quatre-vingt-un. Les pitounes rouges et bleues au club vidéo; le match des étoiles du baseball majeur à Montréal; Denis Herron, Richard Sévigny et Rick Wamsley devant le filet du tricolore; le radio-transistor en dessous de mon oreiller; et une certaine Christine D. dans ma tête.
Si la qualité d'un film se mesurait uniquement en fonction du degré d'identification qu'il suscite chez le spectateur, alors le nouvel opus de Ricardo Trogi serait, dans mon livre à moi, un chef-d'œuvre absolu. Mais puisque mon livre à moi n'est malheureusement lu que par à peu près 4-5 personnes, il faut se rendre à l'évidence et apprécier "1981" pour ce qu'il est : un bon petit "sentent bon film". Exactement oui. Un bon petit "sentent bon film" * dont la fraîche odeur issue d'une époque révolue intoxique d'un spleen enivrant l'âme du petit garçon de 11 ans en nous.
(* On appréciera jamais assez les incroyables percées technologiques qui sont réalisées chaque jour et dont le traducteur en ligne du Google est un fabuleux exemple parmi tant d'autres.)
Mais, vous dites-vous à la lecture de l'image boiteuse du dernier paragraphe précédant l'aparté, le réalisateur impénitent d'"Horloge Biologique" et de "Québec-Montréal" se serait-il assagi avec l'âge ? Question rhétorique des plus futile répondrais-je, puisque même le plus caustique des cinéastes québécois a le droit inaliénable de jeter un regard emprunt d'une nostalgie tendre et sincère sur son passé, ne serait-ce que le temps d'un long métrage de fiction.
Ceci dit, il serait injuste de confondre la sensibilité nouvelle manifestée par Trogi avec la guimauverie d'un "Conte pour tous"; l'irrésistible séquence où le jeune héros se fait demander s'il avait déjà fait ça, lui, "passer un doigt" nous rappelant crûment que l'on est bien loin de l'insupportable univers aseptisé de "La guerre des tuques" *. Et puis, bien qu'il ait quelque peu baissé sa garde avec "1981" -- comme en témoigne la scène où Ricardo et ses compagnons, laissant momentanément tomber les masques, y vont, à tour de rôle, de touchantes confidences -- , Trogi restera toujours Trogi. Merci Dieu pour ça.
(* J'en profite d'ailleurs pour recommander à tous ceux qui ont trouvé bien bon le film d'André Mélançon, de visionner l'autrement plus authentique "Comme les six doigts de la main" du même réalisateur, sûrement non disponible dans un club vidéo près de chez vous et dont le thème du générique n'est pas chanté par Nathalie Simard.)
Certes, on pourrait reprocher à l'auteur le caractère quelque peu anecdotique du récit mais le charme indéniable de l'ensemble, soutenu par la truculente narration dite par Trogi lui-même et qui sert de contrepoids humoristique aux tribulations du jeune héros égocentrique, remporte malgré tout la mise. Notons également les réjouissants flashbacks fantaisistes greffés à l'histoire sous la forme de petites saynètes représentant l'enfance du papa italien de Ricardo, et où les méchants Nazi parlent, évidemment, avec un accent québécois bien senti.
Cependant, cette entreprise basée sur la fine observation des petits riens de la vie tournerait rapidement à vide sans une interprétation de premier ordre; mais premier ordre il y a : Jean-Carl Boucher, dans le rôle-titre, est d'un naturel confondant et porte avec brio, sur ses frêles épaules, l'œuvre de Trogi. Quant aux autres interprètes -- jeunes et adultes --, ils sont tous très bien dirigés, mais c'est Sandrine Bisson, dans le rôle de la flamboyante maman de Ricardo, qui vole la vedette, faisant mouche à chacune de ses apparitions.
Œuvre éminemment personnel avec ses références aux "Kiwi" rouges, pintes de lait Laval, et autres sacs à jus de chez Perrette, "1981" rejoint malgré tout -- comme c'est souvent le cas en pareil circonstance -- l'universel; car, pour citer un internaute entre 18 et 25 ans : "C'est vraiment pas compliqué à comprendre et en plus c'est drôle."
Que demander de plus ?
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